Une enquête est sur le pont d’être ouverte par des autorités d’au moins six pays. Pour cause, sur les transactions suspectes concernant deux importants blocs pétroliers au large des côtes du Sénégal.
C’est du moins ce que déclare Transparency International aujourd’hui, selon Libération online. « Compte tenu de la réticence apparente des autorités sénégalaises à mener une enquête approfondie et à demander des comptes aux responsables, il est essentiel que les informations disponibles soient rapidement examinées par les autorités des pays qui ont compétence sur cette affaire : l’Australie, la Roumanie, la Malaisie, Singapour, le Royaume-Uni et les États-Unis.
En 2019, des enquêtes indépendantes menées par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et BBC Africa Eye ont révélé des détails jusqu’alors inconnus entourant la vente en 2012 des droits de concession des blocs offshore Deep St. Louis et Deep Cayar, situés au large des côtes du Sénégal.
Ces révélations mettent en cause le président actuel du Sénégal, Macky Sall, son frère, Aliou Sall, et le fils de l’ancien président.
Les rapports accusent l’homme d’affaires roumano-australien controversé Frank Timis d’avoir soudoyé des fonctionnaires sénégalais afin d’obtenir l’accès à des réserves lucratives de pétrole et de gaz à des conditions extrêmement favorables. Selon ces mêmes rapports, son partenaire commercial Eddie Wong, qui détient des passeports de Malaisie et de Singapour, aurait facilité certaines de ces connexions et serait venu représenter les sociétés de Timis au moment de la vente. Timis a nié tout acte répréhensible.
La publication de ces enquêtes a entraîné des manifestations au Sénégal. En réponse à la pression publique, le frère du président, Aliou Sall, a démissionné de ses fonctions publiques mais a rejeté les allégations selon lesquelles il aurait reçu des paiements secrets. L’enquête sur le rôle d’Aliou Sall a abouti à un non-lieu en décembre 2020″, affirme Transparency selon qui « les allégations de corruption n’étant pas résolues, il est essentiel que les autorités des autres pays concernés par cette affaire agissent ».
« Les Sénégalais méritent la transparence et l’intégrité dans la gestion de leurs ressources naturelles. Ces réserves de pétrole et de gaz ont le potentiel de transformer le Sénégal et de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Et pourtant, elles ont été vendues à un délinquant condamné qui aurait menti à plusieurs reprises aux communautés et aux investisseurs, tout en s’engageant dans des transactions commerciales douteuses avec des fonctionnaires », a déclaré Birahim Seck, coordinateur du Forum Civil, la section nationale de Transparency International au Sénégal.
« Les révélations des journalistes détaillent l’histoire qui a mené à la vente des concessions à la société américaine Kosmos Energy et à la multinationale britannique BP. Toutes deux affirment avoir fait des contrôles préalables adéquats. Les documents examinés par Transparency International suggèrent que ces entreprises auraient dû savoir qu’elles s’engageaient dans des transactions présentant de nombreux risques de corruption », informe le communiqué reçu par Libération online qui ajoute : « Transparency International a fourni les informations disponibles aux autorités d’Australie, de Roumanie, de Malaisie, de Singapour, du Royaume-Uni et des États-Unis ».
« Le public sénégalais est privé de milliards de redevances potentielles provenant des ressources naturelles qui lui appartiennent », a déclaré Ádám Földes, conseiller juridique à Transparency International. « Seule l’ouverture d’enquêtes dans les autres juridictions leur permettra d’obtenir la justice qu’ils méritent. »
Aux États-Unis, par exemple, « Transparency International a demandé au ministère de la Justice et à la Securities and Exchange Commission (SEC) de déterminer si Kosmos Energy et BP ont violé la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger (FCPA), qui interdit aux sociétés cotées en bourse aux États-Unis de verser des pots-de-vin à des fonctionnaires étrangers. L’affaire devrait également inciter le Congrès américain à sévir contre la « demande » de corruption d’agents étrangers en adoptant la loi sur la prévention de l’extorsion à l’étranger (FEPA). La FEPA érigerait en crime le fait pour un fonctionnaire étranger d’exiger ou d’accepter tout pot-de-vin ayant un impact substantiel sur le commerce américain ».