Toru Kubota avait été arrêté à Rangoun fin juillet 2022 alors qu’il couvrait une manifestation contre la junte. Le vidéaste âgé de 26 ans a été jugé mercredi dans la prison d’Insein, à Rangoun, où sont détenus de nombreux prisonniers politiques. Un porte-parole de la junte a précisé qu’il avait été condamné à sept années d’emprisonnement pour avoir enfreint la loi qui criminalise la diffusion d’informations préjudiciables à la sécurité du pays, plus trois autres pour avoir incité la dissidence contre l’armée.
Ces deux peines sont confondues, a-t-il précisé, ce qui veut dire que Toru Kubota doit passer en tout sept années derrière les barreaux.Il était arrivé en Birmanie en juillet pour « filmer un documentaire sur un Birman », a indiqué son ami Yoshitaka Nitta lors d’une conférence de presse à Tokyo en août. Selon son compte Instagram, Toru Kubota a réalisé en 2019 un documentaire sur les Rohingyas, une minorité musulmane installée en Birmanie qui a fui une répression sanglante de l’armée et de milices bouddhistes.
Une claque au visage de Tokyo »
« Le gouvernement du Japon continuera à interpeller les autorités de la Birmanie pour la libération prochaine de M. Kubota », a réagi le ministère des Affaires étrangères japonais. La junte birmane est accusée par la communauté internationale d’avoir fait plonger le pays dans le chaos depuis le coup d’État de février 2021 qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi. »Cette condamnation est « une claque au visage de Tokyo », a réagi Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie chez Human Rights Watch (HRW).
« Il est temps pour le Japon d’arrêter de jouer, et de commencer à soutenir de vraies sanctions internationales pour réduire les revenus de la junte », a-t-il expliqué.Le Japon, l’un des plus importants donateurs en Birmanie, a indiqué fin septembre qu’il allait cesser d’entraîner des militaires birmans, comme il le fait depuis 2015, en réponse aux récentes exécutions d’opposants politiques par la junte. Tokyo a longtemps été l’un des principaux fournisseurs d’aide à la Birmanie. Après le putsch, les autorités ont annoncé qu’elles arrêteraient toute aide, sans aller toutefois jusqu’à imposer des sanctions à l’encontre de hauts responsables de l’armée ou de la police.
122 journalistes en prison
Toru Kubota est le cinquième journaliste étranger depuis le coup d’État à avoir été arrêté par la junte, après les Américains Danny Fenster et Nathan Maung, le Polonais Robert Bociaga et le Japonais Yuki Kitazumi, qui ont tous fini par être libérés et expulsés.Danny Fenster avait été arrêté en mai 2021 alors qu’il tentait de quitter la Birmanie.
Détenu à la prison d’Insein, il avait été condamné à onze ans de prison pour incitation à la dissidence, association illégale et violation de la loi sur les visas. Il a été gracié en novembre, après des négociations avec la junte menées par l’ancien diplomate américain Bill Richardson et deux émissaires japonais.Dans un décompte arrêté au 31 mars, 122 journalistes ont été arrêtés depuis le coup d’État de février 2021, et 48 sont toujours détenus, selon Reporting ASEAN.
Seule la Chine peut se targuer d’avoir mis plus de journalistes en prison en 2021, selon le Comité de protection des journalistes (CPJ).